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Michel Maya, maire de Tramayes, grand témoin des 3es Assises nivernaises de l’énergie

Interview de Michel MAYA, maire de Tramayes

Vous étiez le grand témoin des 3es Assises nivernaises de l’énergie. Que retenez-vous de cette journée ?
C’était une très belle journée, riche en échanges, avec différents temps de parole et un choix d’intervenants variés. L’interaction avec les participants a été très bonne tant en plénière que dans les différents quartiers du Village des solutions. L’organisation a été excellente avec une maîtrise réelle du temps malgré un programme ambitieux. Ces Assises ont été l’occasion de découvrir ce qui se faisait en Nièvre en matière d’énergies renouvelables. Le SIEEEN est, d’ailleurs, l’un des syndicats d’énergie les plus en pointe dans ce domaine. Il est force de proposition pour son territoire et sait mutualiser les outils qu’il développe. C’est un syndicat exemplaire. Je suis heureux de m’être rendu à Magny-Cours. En longeant le circuit, j’ai pu mesurer l’ampleur des ombrières photovoltaïques. Mon seul regret est de n’avoir pu faire une visite plus approfondie de l’installation.

Cela fait plus de vingt ans que vous vous investissez pour promouvoir et développer les énergies renouvelables à Tramayes. Parlez-nous de quelques réalisations importantes.
Le réseau de chaleur et sa chaufferie biomasse est notre tout premier projet. Nous assurons la gestion de l’installation en régie. Nous avons réalisé ce projet pour alimenter en chauffage l’Ehpad, la salle des fêtes, la mairie et l’école maternelle. Nous l’avons surdimensionné volontairement afin de pouvoir l’étendre, par la suite, à d’autres bâtiments publics ainsi qu’à des particuliers. Grâce à ce réseau de chaleur, nous avons une indépendance énergétique au niveau de nos bâtiments publics. Nous sommes à l’abri des aléas géopolitiques. Nous nous procurons notre combustible auprès d’une scierie située à 4 km de la commune. Nous nous inscrivons, ainsi, dans une démarche vertueuse. Nous produisons 2 GWh par an d’énergie alors que la municipalité ne consomme que 0,7 GWh. Nous pouvons considérer que nous sommes, aujourd’hui, une municipalité à énergie positive. Nous avons travaillé, également, sur le vecteur électrique afin de réduire nos consommations d’énergie et tendre ainsi vers la sobriété. Après deux ans de concertation et de sensibilisation de la population, nous avons décidé d’éteindre l’éclairage public à partir de deux heures du matin, en novembre 2008. Nous sommes l’une des premières communes de la Saône-et-Loire à avoir opté pour l’extinction de l’éclairage public. Ce qui a réduit l’impact des pollutions lumineuses et amélioré le confort nocturne des habitants. Nous avons affiné la gestion électrique de notre réseau de chaleur. La consommation d’électricité de l’installation a été divisée par deux. Nous avons divisé par trois notre consommation d’électricité : elle est passée de 400 MWh en 2007 à 117 MWh, en 2017.
Nous avons pour projet de moderniser notre éclairage public avec des lampes à LED. Nous faisons de l’efficacité énergétique. Il est vrai que les petites communes et les communes rurales ne disposent pas, souvent, de techniciens énergéticiens ni d’une ingénierie interne pour optimiser leurs consommations. Mais, il est possible d’agir efficacement. Nous avons, par exemple, installé des capteurs dans l’école pour enregistrer en temps réel les températures intérieures. Grâce à l’analyse des données recueillies, nous avons pu constater que la régulation jour-nuit était correcte mais que nous maintenions en haute température le bâtiment durant les week-ends. Ces actions peuvent paraître minimes, mais elles permettent de réelles économies d’énergie.

Quelles recommandations pourriez-vous faire aux collectivités qui hésitent ou qui ont peur de développer des projets d’énergies renouvelables sur leur territoire ?
Au regard du contexte actuel, il est primordial de rechercher une plus grande autonomie énergétique. En 2022, la France a importé de l’électricité pendant 242 jours alors qu’habituellement le pays présente une production excédentaire. Si nous ne développons pas, en interne, des moyens de production, nous encourons le risque d’être un État dépendant, avec les conséquences que nous subissons déjà... Il est vrai que certaines énergies renouvelables comme l’éolien sont plus délicates à mettre en œuvre. Certains excès ont conduit à une saturation de certaines régions et ouvert la porte au lobbying anti-éolien. Mais, la territorialisation des énergies renouvelables est un enjeu vital. Nous devons disposer d’un mix énergétique qui combine biomasse, hydraulique, éolien, photovoltaïque et méthanisation pour assurer notre indépendance énergétique. La relance du nucléaire ne produira ses effets qu’à partir de 2035, si tout va bien. La Saône-et-Loire ne produit que 6 % de l’électricité qu’elle consomme ! Nous risquons d’être l’un des départements les plus pénalisés à court terme. La Nièvre est à 19 %. C’est mieux, mais cela reste très insuffisant. Les différents scenarii de RTE, de l’Ademe et de Négawatt prévoient une augmentation importante de la consommation d’électricité. Dès cet été, le réseau électrique sera sous tension et l’hiver prochain risque de s’avérer plus compliqué… La loi d’accélération de mars 2023 incite à développer rapidement les projets d’énergies renouvelables. Les communes doivent avoir défini leur positionnement vis-à-vis des énergies renouvelables, d’ici la fin de l’année. Mais, pour que les projets se réalisent, il est essentiel de sensibiliser aux enjeux, d’ouvrir les débats publics, de faire de la pédagogie. Nous sommes confrontés à un vrai manque en matière d’ingénierie pour pouvoir interpréter toutes les données techniques complexes et les rendre accessibles au plus grand nombre.
Je dirai, enfin, qu’il est utile de réfléchir autrement. À Tramayes, nous avons trois installations photovoltaïques. Nous avons fait un emprunt sur vingt ans. Mais, les annuités sont compensées par la vente d’énergie à EDF. Dès la deuxième année, l’excédent de la production d’énergie est réinjecté dans le budget de la commune. Il vaut mieux penser investissement et bénéfice plutôt que dette. La rénovation de l’ancienne gendarmerie a nécessité un emprunt également. Nous avons créé dix logements et les loyers annuels sont supérieurs à l’annuité d’emprunt. Les communes doivent se projeter sur le long terme et sortir de cette peur d’emprunter. La loi d’accélération des énergies renouvelables va enlever certains freins. Espérons qu’elle permette la concrétisation de nombreux projets tels que l’autoconsommation individuelle et collective.