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Interview de Violaine LANNEAU, focus sur la précarité énergétique et la FNCCR
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Interview de Violaine LANNEAU, secrétaire générale adjointe des services à la FNCCR

Quel état des lieux pouvez-vous faire sur la précarité énergétique en France ?

Aujourd’hui, divers acteurs retiennent le chiffre de 12 millions de personnes en situation de précarité énergétique, soit une personne sur cinq ! Mais cette estimation repose sur des données anciennes, non mises à jour. Si nous prenons en compte la situation énergétique et économique actuelle, avec l’augmentation du prix des énergies, il me semble juste d’affirmer que bien plus de 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique. Les ménages ainsi concernés ne vivent pas sereinement : ils se restreignent drastiquement et, pour certains, renoncent à se chauffer l’hiver, ce qui a des répercussions sur leur vie sociale et sur leur santé. Ce phénomène, désormais bien installé dans notre société, va s’aggraver, demain, puisque nous savons que les prix des énergies devraient continuer d’augmenter ! Mais, il convient de signaler que notre situation n’est pas la plus alarmante, au regard de la situation de certains pays voisins en Europe qui ont subi de plein fouet la crise énergétique : ainsi au Royaume-Uni, qui compte un peu plus de 67 millions d’habitants, d’après les indicateurs de suivi de ce phénomène, plus de la moitié de la population pourrait être en situation de précarité énergétique...

Comment lutter efficacement contre la précarité énergétique ?

La lutte contre la précarité énergétique est un enjeu majeur ! Elle implique des moyens importants. Il existe au niveau national des dispositifs spécifiques, qui permettent d’aider les ménages à s’acquitter de leurs factures d’énergie. Ce sont de mesures d’urgence palliatives. Si celles-ci sont indispensables, elles traitent, hélas, le problème au coup par coup. L’État a multiplié, dans le cadre de la crise énergétique, les chèques d’aide au paiement des factures : 40 % de la population française ont ainsi bénéficié d’un chèque énergie exceptionnel, fin 2022 ! Ce type de solution fonctionne une fois, l’État ne pourra pas multiplier les chèques exceptionnels chaque année. Je pense qu’il eût été plus pertinent d’augmenter le montant du chèque énergie classique afin d’éviter le non-recours à ces dispositifs d’aides et l’augmentation des frais de gestion...

Au niveau local, d’autres dispositifs d’aide au paiement des factures existent tels que les aides du Fonds Solidarité Logement (FSL) ou encore les aides délivrées par les CCAS ou les associations caritatives. Ces aides octroyées au cas par cas parent au plus pressé et elles sont indispensables, mais la FNCCR, comme de nombreux autres acteurs, considère qu’il est nécessaire d’accentuer l’action publique sur la mise en œuvre de mesures pérennes. Les ménages doivent ainsi être incités et surtout aidés à réduire leurs consommations d’énergie. Cela concerne les usages de l’énergie -bien que les ménages en précarité énergétique connaissent déjà pour la plupart les bons gestes, de façon contrainte- et pose la question essentielle de la rénovation énergétique des logements. Mais, les dispositifs dédiés à la rénovation énergétique demeurent complexes. Leur mise en œuvre nécessite un accompagnement presque sur mesure. Il convient, par ailleurs, de combiner différents dispositifs pour réduire le reste à charge des ménages à son strict minimum, afin de pouvoir viser en particulier les ménages en précarité énergétique. Ces démarches chronophages ont un coût qu’il faut ajouter à celui du financement des travaux.

Quelles actions la FNCCR met-elle en œuvre pour lutter contre la précarité énergétique ?

La FNCCR assure une veille sur les sujets en lien avec la précarité énergétique. Nous accompagnons nos collectivités adhérentes et nous les sensibilisons à ces enjeux majeurs. Nous travaillons également en lien avec EDF, chargée du service public de fourniture d’électricité, organisé sous l’égide des autorités organisatrices de la distribution d’énergie (dans le département de la Nièvre, le SIEEEN). Nous engageons, par ailleurs, des actions spécifiques en matière de lobbying législatif et réglementaire : au sein des travaux du Conseil Supérieur de l’Énergie, nous avons ainsi dernièrement demandé une réévaluation du barème du chèque énergie, afin qu’il soit mis en cohérence avec l’évolution de la hausse des tarifs de l’énergie. Nous avons également pris position contre les coupures d’électricité en cas d’impayés des ménages.

Mais la FNCCR défend en premier lieu l’idée selon laquelle il convient impérativement de contenir l’augmentation des prix de l’énergie, qui est l’un des facteurs majeurs de l’augmentation de la précarité énergétique. Dans le contexte de la crise énergétique que nous traversons, les élus membres de la FNCCR se sont ainsi positionnés en faveur d’une réforme ambitieuse de l’organisation du marché de l’électricité afin de garantir aux ménages, et autres clients impactés par l’envolée des prix de l’énergie, des prix justes et stables ! Ces derniers devraient refléter davantage la vérité des coûts de production, et ne pas dépendre, comme aujourd’hui, dans de trop grandes proportions des soubresauts du marché. Dans le cadre d’une consultation récente de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sur l’évolution des tarifs de l’électricité, la FNCCR a contesté, par exemple, un mécanisme qui avait pour objectif de permettre aux fournisseurs alternatifs de contester plus facilement les tarifs réglementés, ce qui conduisait à une augmentation indue, selon nous, de leur montant. La FNCCR œuvre ainsi pour une préservation du tarif réglementé de l’électricité, auquel le service public local de fourniture de l’électricité est adossé. Cette position forte nous a conduit à répondre à la consultation, lancée fin janvier, de la Commission européenne sur la réforme de l’organisation du marché de l’électricité, en espérant qu’il ressortira de celle-ci quelques avancées…